Bonjour
Dans sa forme moderne la supervision des coachs s’intéresse à la fois à l’intrapersonnel (du superviseur, coach et de son client), à l’interpersonnel (entre superviseur et coach, entre coach et client, entre le client et ses interlocuteurs principaux) et aux systèmes (système du coach et du superviseur, systèmes du client). En arrière-plan, des fantasmes circulent, nourris par la distance entre les acteurs.
Chaque superviseur met plus ou moins de l’un ou de l’autre dans le cocktail de sa pratique. Compte tenu de l’enracinement de la supervision dans la psychothérapie, nombreux sont ceux qui accordent beaucoup d’importance à l’intrapsychique et y intègrent peu à peu les riches apports du cognitivisme, des neurosciences et de la physiologie. Très clairement, l’attention sur l’interpersonnel va croissant en supervision. Quant au systémique, une majorité de superviseurs pense qu’il joue un rôle essentiel.
Mais, entre les roues, le moteur ou le volant d’une voiture, quel est le plus important ? Cela dépend de l’idée que chacun se fait de la finalité d’une voiture : rouler, avancer, changer de direction ou bien autre chose de beaucoup plus ambitieux… à chacun de voir…
Le contexte, le monde ou le système ?
Dans le modèle « 7eyed » de Hawkins il est question de contexte tandis que dans le modèle « 3Wolds-4Territories » de Mike Murno Turner parle de monde. Chacun des deux auteurs clame qu’il faudrait plus de systémie dans la supervision des coachs, mais à quelle systémie pensent-ils ?
Avant de tenter une réponse à cette question, il nous faut faire un petit détour par la « culture pays ». Les interculturalistes (Steward & Bennett, 1991 ; Hampden-Turner & Trompenaars, 1998 ; Rhinesmith, 1993 ; Nisbett, 2003 ; Moral, 2004) s’accordent sur le fait que les différences culturelles pour ce qui concerne le mode de pensée se déclinent selon deux dimensions : Inductif-Déductif et Linéaire-Systémique. Les Américains seraient des « Inductifs-Linéaires » tandis que les Anglais seraient « Déductifs-Linéaires » selon Walker (2000). Tous deux seraient culturellement moins « systémiques » que nous, Français, qui serions « Déductifs-Systémiques » d’après le même auteur.
Cela pourrait expliquer le fait que les premiers livres en France sur le coaching d’équipe ont été Devillard (2000), Cardon (2003) et Giffard/Moral (2007), alors qu’en Grande Bretagne ils ont été Hackman/Wageman (2005), Thorton (2010) et Hawkins (2011). Donc un décalage d’environ cinq ans que l’on observe également dans les articles sur la supervision des coachs d’équipe et dans ceux sur le coaching d’organisation et la supervision du coaching d’organisation sur lesquels j’avais déjà publié en 2009 tandis que David Clutterbuck et Alison Hodge ont commencé à publier en 2014.
A noter qu’un écart inverse s’observe sur le sujet de la « Culture Coaching » où à ce jour dix ouvrages ont été publiés en langue Anglaise et en Français aucun. Il en est de même pour le thème de la culture d’entreprise : les Anglo-Saxons ont de l’avance. Cela peut sans doute s’expliquer par des différences sur d’autres dimensions culturelles.
Systémie, systémies ?
Si tout le monde parle de systémie ou de systémique, encore faudrait-il s’accorder sur celle dont on parle :
– La première systémique de Ludwig Von Bertallanfy avec la notion d’homéostasie illustrée par l’analogie avec les lapins et les renards dans une forêt, l’axiomatique de la communication et la notion de double lien.
– La seconde, introduite par Heinz von Foester (1970) où les éléments sont sensibles à leur propre état interne ce qui rend le système dépendant de son passé et son évolution imprévisible. Les grandes notions sont le feed-forward, la catastrophe, le chaos, l’effet papillon et la complexité.
– La troisième, initiée par Francisco Varéla (1993) avec des notions telles que l’énaction. Perception et conscience sont au centre de la troisième systémique.
Exemple :
Lucien supervise Annie qui évoque le fonctionnement des systèmes dans lequel travaille Roméo : le CoDir dont il est membre, la Division des ventes qu’il dirige, la compagnie, la concurrence, etc… Elle en parle comme si elle observait une fourmilière, de l’extérieur. Lucien lui demande quel impact le système qu’elle forme avec Roméo peut avoir sur ces différents systèmes. Etonnée, elle reconnait que le coaching de Roméo a un effet sur la gouvernance de l’entreprise, sur le fonctionnement de la Division des ventes… bref, à des degrés divers sur tous les systèmes.
Ce qui fait le succès des coachings d’Annie, c’est pour partie son sens de la répartie. Elle se reprend et demande à Lucien ce qu’il pense être l’impact du système qu’elle forme avec lui et le client… Cette co-réflexion permet d’identifier plusieurs petits « effets papillon ».
Alors ?
Au niveau international une grande recherche est en train de voir le jour avec pour objectif d’éclairer l’impact de la supervision sur le client et son système. Jusqu’ici les chercheurs ont buté sur l’obstacle car les corrélations sont nombreuses et entremêlées. Mais c’est avec des notions plus précises sur la systémie que nous pourrons progresser afin de recueillir auprès des praticiens des données détaillées. C’est à cela que nous travaillons dans un premier temps.
Belle journée à tous