Supervision des coachs internes : les pièges du contrat tripartite


Bonjour,

Dans de précédents articles nous avons très brièvement évoqué quelques difficultés rencontrées dans l’organisation de la supervision du coaching interne : comprendre qui est le client, identifier le reflet systémique entre l’organisation et le groupe des coachs internes, etc…

Une des questions est celle du contrat tripartite entre superviseur, coachs internes et commanditaire (sponsor). Ainsi par exemple, comme parfois dans une relation tripartite, l’organisation peut avoir tendance à exiger des résultats du superviseur ou des supervisés ou encore flirter avec la règle de confidentialité.

Il y n’a que peu de travaux sur le sujet.

Toutefois, en 1992, Nelly Micholt a prolongé le travail de Fanita English en introduisant la notion de « distance perçue » qui est un composite incluant entre autres l’alliance, la convergence des objectifs ou la complicité (mesurée par le faible nombre de non-dits).

Cette « distance perçue » mesure approximativement la proximité entre le superviseur et le sponsor, entre le sponsor et le groupe des coachs internes et entre celui-ci et le superviseur. Nelly Micholt décrit quatre possibilités :

A – « Tripartite sain » : « Les contrats et attentes sont clairs pour tous ». Dans ce cas chacun est informé et a pu donner son avis et son accord.

Exemple

La société X voit le nombre de « cas difficiles » augmenter et le groupe des coachs internes est débordé. Une première supervision dans une perspective psychodynamique a permis d’analyser et résoudre les difficultés d’ordre intrapsychiques et interpersonnels des coachés. Pour aller plus loin, il est décidé d’introduire une dimension systémique.

Le superviseur crée pour cela un outil spécifique d’analyse systémique des situations adapté aux caractéristiques culturelles de la société X. Cet outil est approuvé par le sponsor et expliqué aux supervisés qui approuvent les objectifs de cette supervision.

Cette forme de supervision met au jour des dysfonctionnements organisationnels jusqu’ici invisibles comme par exemple le manque de congruence entre les différentes couches de management.

B – Proximité excessive entre supervisés et superviseur. Les supervisés et le superviseur peuvent développer une proximité complice et modifier subrepticement les objectifs de la supervision au détriment des intérêts du sponsor.

Suite de l’exemple

Un des groupes de supervisés appartenant tous à une même division progresse beaucoup plus vite que les autres groupes et assimile très vite la démarche proposée.

Les « cas difficiles » fondent comme neige au soleil dans cette division. Les membres de ce groupe demandent alors au superviseur de réorienter les objectifs vers l’analyse des problématiques organisationnelles.

Le superviseur accepte mais n’informe pas le sponsor afin de ne pas avoir à renégocier le contrat. Il ne s’aperçoit pas que les idées développées au cours de la supervision ne conviennent pas du tout au sponsor.

C – Proximité excessive entre superviseur et sponsor.  Dans ce cas il existe des non-dits dans la relation entre le superviseur et les supervisés qui vont perturber le processus.

Exemple

Julien, DRH de la société Y et Sophie, le superviseur, se connaissent bien puisqu’ils ont fait leurs études dans la même université et une formation de coach dans la même école.

Julien fait appel à Sophie pour superviser les huit coachs internes. « Tu me les serres bien, hein ! Ils ont tendance à vouloir introduire de nouveaux outils, de nouvelles méthodes, et je ne veux pas que ce soit la pagaille ici ! S’il y a des rebelles, tu me les signales ».

D – Proximité excessive entre sponsor et supervisé. Cette situation invalide de façon significative les efforts du superviseur.

Exemple

Le sponsor est chef de division dans une institution de santé mentale au Canada. Il est psychiatre et psychanalyste. Il a recruté un à un les coachs internes sur la base d’une grande entente au niveau des concepts.

Pour superviser « ses » coachs il fait appel à Hélène qui est docteur en psychopathologie et psychologie clinique et qui a été professeure de psychopathologie à l’Université de Montréal. Elle a une approche intégrative, aussi à l’aise dans le champ de la psychanalyse que dans celui du cognitivisme, de la psychologie sociale ou de la systémie.

Après deux supervisions elle est sèchement convoquée chez le sponsor…

De ce bref survol, retenons que l’explicitation des attentes et un contrat clairement établi et mis à jour chaque fois que nécessaire sont des critères de succès.

Notons également que le fonctionnement du « triangle de Micholt » présente des similitudes avec le « triangle dramatique » de Karpman.

Suite de l’exemple

Le chef de division intime l’ordre à Hélène de se cantonner à des formes de supervision purement psychanalytiques : pas question de proposer des hypothèses hors de ce champ. Hélène accepte mais voudrait clarifier cette position avec le groupe de psychologues. « N’allez surtout pas semer la confusion dans leur esprit ! Ils n’ont pas besoin de savoir ce dont avons convenu ».

Dans cet exemple, le passage forcé de D à C ne peut malheureusement pas améliorer la qualité de la supervision.

Avec l’explosion du nombre de coach internes, les contrats tripartites deviennent de plus en plus fréquents et les supervisions de superviseurs mettent au jour des situations cocasses.

Bonne journée


A propos de Michel Moral

Michel Moral a été dirigeant au sein d’entités internationales chez IBM. Il a vécu plusieurs années aux USA, en Allemagne et en Autriche. Ingénieur de formation (Centrale Paris) il est aussi docteur en Psychologie. Il est passionné par la question de l’efficacité d’une équipe dirigeante et par celle de l’intelligence collective. Enseignant à Paris VIII, à l’Université de Cergy-Pontoise et au CRC d’HEC, il coache des dirigeants, des équipes dirigeantes et supervise des coachs et peut intervenir en Français et en Anglais.