Qu’est-ce qui explique l’intelligence collective ?
Michel Moral
Le mot de ce jour concerne la recherche publiée en décembre 2014 par David Engel à propos de l’intelligence collective et qui a suscité pas mal d’échanges entre superviseurs de différents pays. Un des thèmes qui préoccupe actuellement les superviseurs anglo-saxons est en effet la supervision des coachs d’équipe et les techniques afférentes.
Cette recherche fait suite à celle, très remarquée, d’Anita Woolley publiée en 2011.
La plupart d’entre vous ont dû en entendre parler. Pour mémoire la recherche de Woolley porte sur 200 groupes soumis à 10 tâches différentes. L’analyse statistique fait apparaître qu’un seul facteur peut expliquer 43% de la performance.
Ce facteur baptisé « intelligence collective » par Woolley est très corrélé avec la façon de distribuer la parole au sein du groupe et avec la « sensibilité sociale » (intelligence relationnelle) totale mesurée à l’aide du test « Reading the mind in the eyes » de Baron-Cohen (2001) .
La recherche de David Engel porte sur 68 groupes. L’objectif est d’explorer dans quelle mesure l’intelligence collective émerge dans des groupes travaillant online.
Elle reprend le protocole de celle d’Anita Wolley avec les variantes suivantes :
- Une partie des groupes communique en face à face tandis que l’autre ne communique qu’en ligne, par du texte seulement, via un système partagé. Les membres de ces derniers groupes n’ont jamais rencontré leurs coéquipiers.
- La contribution des membres qui communiquent en ligne est mesurée par la quantité de texte envoyé.
- La personnalité des participants est mesurée avec le « Big 5 » et agrégée en un facteur de personnalité par groupe.
- Les tâches sont plus nombreuses et plus variées.
Les résultats sont intéressants, en résumé :
- Le facteur « intelligence collective » explique 49% de la performance pour les groupes face à face et 41% pour les groupes online.
- Le total des scores au « Reading the Mind in the Eyes Test » est fortement prédictif de l’intelligence collective, aussi bien pour les groupes face à face que pour les groupes online.
- Comme pour la recherche de Wooley la présence de femmes a un effet positif sur l’IC mais l’intelligence cognitive des membres n’en a que peu.
- Le facteur de personnalité par groupe n’a pas d’effet sur l’IC.
Ce que montre la recherche d’Engel, c’est que le test « Reading the Mind in the Eyes » donne une bonne mesure de la « Théorie de l’Esprit », terminologie que les auteurs préfèrent à celle de « sensibilité sociale » utilisée par Woolley.
Mais, et c’est là le fait le plus significatif, ce test mesure également très bien notre capacité à « lire entre les lignes » l’état d’esprit et les intentions de l’autre dans du texte online (mails par exemple).
C’est une information très importante à une époque où nous coachons des équipes dispersées à travers le monde et nous supervisons, parfois à distance, des coachs qui ont la charge de telles équipes. Combien de fois sommes-nous tombés sur des situations de mails sur-interprétés qui conduisent à de graves malentendus ?
La bonne nouvelle est que la possibilité d’améliorer la « sensibilité sociale » existe. Métaphoriquement il suffit de lever les yeux depuis notre nombril vers le regard de l’autre. Cette discipline intérieure du coach et du superviseur peut s’acquérir simplement par entrainement.
A noter que d’autres test existent pour mesurer la « sensibilité sociale » tels que « Faux Pas Recognition », « Reading the Mind in the Voice » et « Social Reasoning Wason Selection » et il est à prévoir qu’ils prédisent également la capacité à lire entre les lignes.
Pour finir, le programme de la cinquième conférence internationale sur la supervision des coachs est maintenant disponible. La conférence aura lieu cette année le 11 juillet au John Henry Brookes Building à l’Université Oxford Brookes.